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LES ORDONNANCES DE STRASBOURG (1563)


Traduit de l’allemand.


Sa Majesté impériale romaine2, notre très gracieux Seigneur, ayant en cette année 1563 confirmé et approuvé avec bienveillance les règlements et devoirs de la Fraternité et Con­frérie3 des tailleurs de pierre des pays ger­ma­niques, et compte tenu que depuis quelque temps de nombreuses irrégularités et mauvaises habitudes sont apparues dans la pratique du Métier de la Maçonnerie,

De nombreux maîtres et compagnons se sont réunis en cette année 1563, à Bâle le jour de la Saint-Barthélemy, et à Stras­bourg, le jour de la Saint-Michel, afin de déterminer et d’établir des Ordonnances et Règlements du Métier et de la Con­­­­­­­fré­rie. Lesdites Ordonnances ayant été déterminées et établies, il a été décidé qu’elles seraient désormais appliquées, et que personne dans cette Guilde ne saurait y contrevenir. 

1. - Premier article - Au cas où certains articles de ce Livre [des Frères] seraient jugés trop sévères ou pénibles, ou d’autres par trop libéraux, ceux qui sont membres de notre Guilde peuvent, à la majorité, modifier, censurer ou développer lesdits articles selon l’époque, les impératifs du pays et le cours des affaires. 

Quand il y aura une assemblée générale, ils se réuniront sous la forme d’un chapitre, conformément aux dispositions de ce Livre ; et leurs décisions devront rester conformes au serment que chacun a prêté.

2. - Des devoirs des membres de cette Guilde. Quiconque entre de sa propre volonté dans cette Guilde doit, comme il est dit dans ce Livre, promettre de maintenir chacun des points et articles, s’il entend être du Métier de la Maçonnerie. Seront maîtres ceux qui pourront ériger des édifices somptueux, et autres ouvrages semblables, pour lesquels ils auront reçu une autorisation, et qui ne serviront d’autre Corporation que celle qu’ils ont choisie de servir. Maîtres et compagnons auront l’obligation de se conduire honorablement, et nul ne créera de tort à quiconque. 

En conséquence, nous avons décidé, par ces Ordonnances, de les punir au cas où de tels actes viendraient à se produire.

3. - De l’autorisation de pratiquer des travaux à la journée. Comme certains travaux réguliers sont traités à la journée, que ce soit à Strasbourg, à Cologne, à Vienne, sur d’autres chantiers similaires, par les loges qui en dépendent, suite à une coutume établie, les constructions et ouvrages concernés demeureront sujets au travail à la journée ; et en aucun cas il ne sera établi de contrat susceptible de modifier la réalisation d’un ouvrage.

4. - Qui peut aspirer à un ouvrage. Si un artisan titulaire d’un chantier régulier vient à mourir, dans ce cas tout artisan ou maître qui connaît la Maçonnerie et qui est suffisamment qualifié pour réaliser l’ouvrage commencé, peut aspirer à prendre sa succession, de façon que les seigneurs qui disposent d’un tel ouvrage, soient servis selon les nécessités de la Maçonnerie. Il peut en être ainsi pour tout compagnon qui connaît la Maçonnerie.

5. - Organisation du travail à la journée. Quoiqu’il puisse convenir à un maître d’entreprendre, en dehors de son propre chantier, un ouvrage extérieur, il ne peut y être autorisé sans avoir confié à un autre maître capable la charge de ce chantier ; un tel maître devra s’engager à ce que les travaux continuent fidèlement et qu’il n’y ait aucun risque d’interruption, et le règlement d’un tel ouvrage sera rémunéré à la journée, selon les droits et usages de la Maçonnerie. 

Et si un maître ne pratique pas cette règle et que cela soit découvert au cours d’une enquête digne de foi, alors ledit maître comparaîtra devant la communauté, sera réprimandé et puni si les accusations formulées contre lui sont prouvées. Mais, si les Maîtres d’œuvre ne le veulent pas ainsi, il sera fait selon leur volonté.

6. - Décès d’un maître pendant une construction. En cas de décès d’un maître en charge d’un chantier ou d’un bâtiment, et qu’un autre maître se présente pour lui succéder et trouve un ouvrage de pierre taillée, en place ou non, celui-ci ne devra pas déposer l’ouvrage, ni le démolir sans l’avis ou l’agrément des autres membres de la Corporation, afin que les Maîtres d’œuvre et autres honorables personnes qui sont à l’origine de la cons­truction ne soient pas conduits à des dépenses injustifiées et que le maître qui a laissé un tel ouvrage en cours ne soit pas diffamé après sa mort. 

Mais si les Maîtres d’œuvre souhaitent qu’un tel ouvrage soit reconstruit, alors le nouveau maître pourra l’entreprendre, à la condition qu’il ne cherche pas à en tirer un avantage malhonnête.

7. - Comment diriger la taille de la pierre et la construction. Tout maître qui a pratiqué pendant cinq ans la Maçonnerie avec un maçon-tailleur de pierre,  aura pouvoir de tailler et de construire soit par contrat, soit à la journée, et cela sans crainte, sauf à enfreindre les articles écrits ci-dessus et ci-après.

8. - Quand un maître donne un plan pour un ouvrage. Si quelqu’un signe un contrat pour un ouvrage et donne un plan pour la façon dont il devra être réalisé, l’ouvrage ne pourra en aucune façon être modifié par rapport au projet ; il sera exécuté conformément au plan montré au Maître d’œuvre, que celui-ci soit un seigneur, une cité ou un particulier, de manière que rien ne manque à la construction. 

A moins que cela ne soit la volonté du client ; alors des modifications pourront être faites, mais le maître ne devra pas en rechercher un avantage indu.

9. - Quelle sorte d’ouvrage deux maîtres peuvent mener en com­mun. Deux maîtres ne peuvent entreprendre en commun une construction ou un ouvrage, à moins que ce ne soit un petit ouvrage qui puisse être terminé dans l’espace d’une année. Si tel est le cas, le maître peut avoir avec lui un compagnon de la cité.

10. - Si un ouvrage exige des maçons [de pose]. Un maître peut en permettre l’emploi comme suit : si des maçons sont nécessaires, par exemple pour les fondations ou pour cons­truire un mur, travaux pour lesquels ils sont suffisamment qualifiés, le maître peut les employer afin que le Maître d’œuvre ne subisse pas de retard dans l’exécution des travaux. 

Ceux-ci [maçons de pose] ne seront pas soumis aux présentes Ordonnances, mais ils ne seront pas mis à la taille des pierres, parce que n’étant pas régis par nos règlements.

11. - Celui qui chasse un autre d’un ouvrage. Quel qu’il soit, maître ou compagnon, celui qui chasse de son ouvrage, grand ou petit, un autre maître membre de cette Guilde, ou s’y emploiera, secrètement ou ouvertement sans son con­sentement, sera mis en cause ; et aucun maître ou compagnon n’aura de commerce avec lui. 

Et aucun compagnon de cette Guilde n’entrera à son service aussi longtemps qu’il possédera l’ouvrage qu’il a obtenu d’une façon malhonnêteo; ni tant qu’il n’aura pas restitué l’ouvrage et donné satisfaction à celui qu’il a dépossédé ; et aussi tant qu’il n’au­ra pas été puni par les maîtres chargés d’agir au nom de la Guilde.

12. - Qui peut accepter un ouvrage en pierre sculptée ou taillée. Si quelqu’un veut entreprendre un ouvrage en pierre sculptée ou taillée et ne sait pas comment l’exécuter d’après l’épure de base, pour n’avoir pas servi son temps auprès d’un maître ou n’avoir pas été employé dans une loge alors, raisonnablement, il ne devra pas entreprendre l’ouvrage. 

S’il s’y aventurait aucun compagnon ne devrait l’assister, ou entrer à son service, afin que les Maîtres d’œuvre ne subissent pas de dépenses inconvenantes par la faute d’un maître aussi peu responsable.

13. - Qui peut apprendre à exécuter l’ouvrage d’après une épure de base ou tout autre ouvrage de sculpture. Aucun artisan, parlier [Surveillant] ou compagnon n’enseignera à quiconque, quel qu’il soit, n’est pas membre du Métier, à faire des extraits de l’épure de base ou à d’autres usages de la Maçonnerie, ni à celui qui n’a pas jamais pratiqué la Maçonnerie, ou œuvré assez longtemps auprès d’un tailleur de pierre, selon notre art, nos coutumes et nos règlements.

14. - Nul maître n’enseignera à un compagnon pour de l’argent. Aucun artisan ou maître n’exigera d’argent de la part d’un compagnon en vue de lui montrer ou de lui enseigner quoi que ce soit de la Maçonnerie. 

De la même façon, aucun parlier ou compagnon ne montrera ou n’enseignera la sculpture à quelqu’un d’autre à titre onéreux, ainsi qu’il vient d’être dit. 

Si quelqu’un souhaite cependant instruire, ou enseigner à un autre, il peut le faire en exécutant une partie de son travail, soit par amitié pour le compagnon, soit pour mieux servir de cette façon leur propre maître.

15. - Combien d’apprentis un maître peut avoir. Un maître qui n’a qu’un édifice ou ouvrage à construire peut avoir trois apprentis, deux ébaucheurs et un finisseur ; il peut également employer des compagnons, dans la même loge, si ses supérieurs le lui permettent. 

S’il a plus d’un édifice, il n’aura pas plus de deux apprentis pour le premier ouvrage, de façon à ne pas avoir plus de cinq apprentis sur l’ensemble de ses chantiers. Ceci pour que chaque apprenti puisse accomplir ses cinq années d’apprentissage sur le chantier auquel il a été af­fecté.

16. - Celui qui vit ouvertement en concubinage. Aucun artisan ou maître maçon ne doit vivre ouvertement en concubinage. Si cependant celui-ci ne voulait quitter cet état, aucun compagnon itinérant ni tailleur de pierre ne resterait à son service, ou n’aurait de relations avec lui.

17. - Celui qui ne vit pas en chrétien et ne reçoit pas une fois l’an le Saint-Sacrement. Aucun artisan ou maître ne sera accepté dans la Guilde s’il ne reçoit, une fois l’an, le Saint-Sacrement, ou ne respecte pas la discipline chrétienne, ou s’il gaspille son argent au jeu. 

Mais si quelqu’un, accepté par mégarde dans la Guilde, n’applique pas les principes précités, aucun maître n’aura de relations avec lui, aucun compagnon ne l’assistera, et ce jusqu’à ce qu’il n’ait cessé de se comporter ainsi et qu’il n’ait été puni par les membres de la Guilde.

18. - Si un compagnon travaille pour un maître qui n’a pas été reçu dans cette communauté. Si un compagnon accepte du travail d’un maître qui n’a pas été reçu dans cette communauté d’artisans, il ne sera pas punissable. De la même manière, si un compagnon s’adresse à un maître de ville et en obtient un emploi, cela lui est permis, car tout compagnon doit pouvoir trouver du travail. 

Mais le compagnon respectera les Ordonnances écrites ci-dessus et ci-après. Il convient qu’il donne à la Guilde ce qu’il doit donner, bien qu’il ne travaille pas dans l’une des loges de la communauté ou avec ses frères compagnons. 

Si un compagnon désire prendre légitimement femme et n’étant pas employé dans une loge, s’établit dans une cité, il devra payer 4 pfennigs à chaque Qua­tre-Temps4, aussi longtemps qu’il n’est plus employé dans une loge.

19. - Comment les plaintes doivent être entendues, jugées et sanctionnées. Si un maître formule une plainte contre un autre maître pour avoir violé les règlements du Métier, ou si de la même façon un maître se plaint d’un compagnon, ou un compagnon d’un autre compagnon, le maître ou le compagnon concerné s’adressera aux maîtres qui détiennent le Livre des Règlements. Et les maîtres qui auront été saisis de la plainte entendront les deux parties, et pour cela fixeront le jour où il entendront plaider leur cause. Et durant la période qui précède le jour fixé, aucun compagnon n’évitera le maître, ni le maître le compagnon, mais ils se rendront mutuellement service jusqu’à l’heure où le litige aura été entendu et réglé. 

Et tout ceci sera fait conformément au droit du Métier, et la décision sera respectée en conséquence. Et de plus, là où le litige se sera manifesté, là il sera jugé par les plus proches des maîtres en possession du Livre des Règlements pour le district considéré.

20. - Concernant l’expulsion. De plus, il est décidé ceci en ce qui con­cerne l’expulsion : si on rapporte quelque chose à propos d’un maître ou d’un compagnon, chose entendue par ouï-dire et répétée de l’un à l’autre, aussi longtemps qu’un jugement n’aura pas été rendu régulièrement, celui qui est en cause ne sera ni évité ni expulsé par qui que ce soit et continuera son travail jusqu’au moment où la sentence lui aura été notifiée à son domicile, et seulement après que celle-ci ait été régulièrement établie. 

A moins que cela ne soit, il continuera à obéir aux lois du Métier et nul ne pourra agir contre lui selon nos Ordonnances.

21. - Ne pas faire appel. Il est également décidé que là où une affaire prend naissance et se développe, là elle sera réglée ou, à défaut, dans la plus proche loge en possession du Livre. Et aucune partie ne fera appel jusqu’à ce que plainte et réponse aient été entendues. 

La plainte ne pourra être portée plus haut à moins qu’elle n’ait été rejetée à ce niveau.

22. - Les plaintes que le maître a pouvoir d’entendre. Chaque Maître d’œuvre ayant du travail dans sa loge et auquel aura été confié ce texte des Ordonnances, avec droit d’usage, a le pouvoir d’entendre et de punir dans ce district toutes les plaintes et les causes qui ont un rapport avec la Maçonnerie. 

Et tous les maîtres, parliers et compagnons lui doivent obéissance.

23. - Chaque maître se conduira conformément aux Ordonnances et les prendra pour guide. Ce jour à Strasbourg, en l’année 1563, il est également décidé que chaque maître chargé de la construction d’un édifice de façon permanente, et non limitée, que ce soit dans des principautés, des cités, des instituts ou des monastères, siègera et jugera conformément à nos Ordonnances ; il en résultera pour chacun un accroissement considérable des profits et une diminution des préjudices. 

En conséquence, chacun disposera d’un Livre et sera reconnu comme le supérieur de sa juridiction ou district par tous les maîtres et compagnons de cette province. Il aura aussi délégation de l’autorité octroyée à chacun des membres de cette assemblée pour, conjointement avec ses pairs, en vertu de leur supériorité, diriger ce métier, punir ses sujets, accepter des frères, aider les malades, réunir une assemblée générale des membres du voisinage, mais ce d’une façon telle que les Ordonnances ne subissent aucune altération.

24. - Là où est le Livre doit être le tronc des pauvres et des malades. Tous ceux auxquels le Livre des Ordonnances aura été confié doivent collecter fidèlement le pfennig hebdomadaire des compagnonso; et si un compagnon tombe malade, on devra l’assister. 

De même, là où un maître aura un autre maître sous ses ordres ainsi que des compagnons, il lui demandera de collecter dans un tronc le pfennig hebdomadaire, et lui donnera un tronc réservé à cet usage, qui sera vidé et compté devant le supérieur de district chaque année, et son contenu sera employé pour l’assistance du pauvre et du malade de notre métier. 

Chaque maître titulaire d’un tronc et qui aura reçu le montant annuel du tronc de ses voisins, enverra chaque année, à la Saint-Michel, un bohémien5 à la loge-mère de Strasbourg, avec une note précisant d’où il viento; ceci en signe d’obéissance et d’amour fraternel, et pour qu’il soit connu que toutes les règles précitées ont été observées.

25. - Les lieux où sont les Livres [des Règlements] et qui dépendent de la Gran­de Loge de Strasbourg. Spire, Zurich, Augsbourg, Francfort, Ulm, Heilbronn, Blassembourg, Dres­de, Nuremberg, Salzbourg, May­ence, Stuttgart, Heidelberg, Fribourg, Bâle, Haguenau, Sélestat, Regensbourg, Mey­senheim, Munich, Anspach, Constance.

26. - D’un compagnon qui désire servir un maître pour un temps. Si un compagnon qui a voyagé et servi le Métier, était déjà membre de cette Guilde, et souhaite servir un artisan pour un temps, le maître et l’ouvrier n’accepteront ni l’un ni l’autre de s’engager pour moins d’une année ou à peu près.

27. - D’un maître ou d’un compagnon qui contreviendrait à ces Ordonnances. Tous les maître ou compagnons, membres de cette Guil­de, doivent respecter tous les points et articles énoncés ci-dessus et ci-après. Si par hasard quelqu’un n’appliquait pas un de ces points, il serait punissableo; après avoir satisfait à l’amende qui lui aurait alors été imposée, il serait reconnu dégagé de son obligation quant à l’article pour lequel il aurait été puni.

28. - Comment les maîtres de cette Guilde doivent prendre soin du Livre. Le maître qui a la charge du Livre doit, par serment envers la Guilde, prendre soin qu’il ne soit pas copié, ni par lui ni par une autre personne, et qu’il ne soit pas prêtéo; ceci de manière que les Livres conservent leur pleine autorité, comme décidé par les artisans. 

Mais si quel­qu’un a besoin de disposer d’un ou de deux articles, le maître peut lui en donner un écrit. Et chaque maître doit faire lire en loge ces Ordonnances, chaque année, aux compagnons.

29. - Concernant les punitions qui peuvent entraîner l’exclusion du Métier. Si une plainte susceptible d’entraîner la plus grande punition est déposée devant un maître, ou si, par exemple, quelqu’un encourt le risque d’être chassé du Métier, le maître d’un district ne peut être seul à entendre et à juger l’accusé. 

Il doit appeler à son aide les deux maîtres les plus proches qui sont en possession d’un Livre, et ayant reçu délégation d’autorité conformément aux Ordonnances, de manière à ce qu’ils soient trois, ainsi que les compagnons employés là où la plainte a été déposée, afin que les trois maîtres et les compagnons, de façon unanime ou à la majorité, se prononcent au mieux de leur jugement sur la punition qui devra être appliquée par le métier dans son ensemble.

30. - Lorsque des querelles surgissent, ne concernant pas la Maçonnerie. Si deux maîtres, ou plus, qui sont membres de cette Guilde, sont d’opinions divergentes ou en désaccord au sujet d’affaires qui ne concernent pas la Maçonnerie, ils ne devront pas se citer à comparaître, en raison de ces divergences, ailleurs que devant le Métier et la Fraternité ; où ils seront jugés et réconciliés au mieux des possibilités, cela de manière à ce que l’affaire soit réglée sans aucun préjudice pour les droits des Maîtres d’œuvre (seigneurs ou cités) du lieu où l’affaire a pris naissance.

31. - Ce à quoi chaque maître ou compagnon doit contribuer vis-à-vis de cette Guilde. Maintenant, afin que ces Ordonnances soient conservées le plus honnêtement possible au service de Dieu, et d’autres causes nécessaires, chaque maître qui a de l’emploi en loge, et qui pratique la Maçonne­rie et appartient à cette Guilde, doit d’abord, lors de son admission, payer un gulden6 [florin], puis, chaque année, verser deux bohémiens ou blapperts dans le tronc ; si c’est un compagnon, il versera cinq bohémiens ; et un apprenti versera le même montant lorsqu’il aura terminé son temps.

32. - Quels sont les troncs que les maîtres doivent avoir ,et ce qu’ils doivent en distribuer. Tous les maîtres et autres membres de cette Guilde ayant de l’emploi en loge doivent posséder chacun un tronc, et chaque compagnon y versera chaque semaine un pfennig. Chaque maître collectera fidèlement cet argent et tout ce qui peut être dû par ailleurs ; le montant du tronc sera porté chaque année au compte de la Guilde là où se trouve le Livre le plus proche, afin que le pauvre puisse être soulagé et qu’on subvienne aux besoins de notre Guilde.

33. - Quand un maître ne remplit pas son devoir vis-à-vis d’un apprenti. Si un apprenti considère qu’un maître ne remplit pas, sous quelque aspect que ce soit, son devoir envers lui, ainsi qu’il s’y est engagé, l’apprenti peut porter la question devant le Métier et les maîtres qui résident dans le voisinage, afin de recevoir un complément d’instruction et pour pouvoir, le cas échéant, continuer son voyage.

34. - Ce qui doit être fait dans cette Communauté si quel­qu’un est malade. Si un maître ou un compagnon tombe malade, ou si un membre de cette Guilde, qui a réguliè­rement fait son temps en Maçonnerie, vient à être longtemps malade qu’il ne peut de ce fait assurer sa subsistance et autres nécessités de l’existence, le maître qui dispose du tronc de la Guilde, et qui en est responsable, l’aidera et l’assistera d’un prêt s’il ne peut être fait autrement, et ce jusqu’à ce qu’il ait recouvré la santé ; ce membre devra s’engager à restituer l’argent emprunté au tronc. 

Mais s’il vient à mourir au cours de sa maladie, on procédera à une retenue sur ce qu’il laisse, que ce soit en vêtements ou autres biens, jusqu’à concurrence de ce qui lui a été prêté.

35. - Si quelqu’un engage des frais pour le compte de la Confrérie. Si un maître ou un compagnon vient à engager des dépenses ou à payer des frais pour le compte de la Guilde, il doit en donner justification et expliquer les raisons de ces dépenses, grandes ou petites, qui seront remboursées au maître ou au compagnon par prélèvement sur le tronc de la Guilde. 

De même, si quelqu’un a des ennuis avec la justice concernant la Guilde, alors chacun, qu’il soit maître ou compagnon, sera serviable envers lui et lui apportera son aide selon le serment de la Guilde.  Néanmoins personne ne devra, de sa propre initiative, entraîner la Confrérie dans des dépenses sans l’accord des autres maîtres et compagnons.

36. - Comment un contrevenant sera uni. De quelque façon que maîtres, parliers ou apprentis viendraient à contrevenir aux articles ou aux points écrits ci-après ou qui ne les respecteraient pas, soit collectivement, soit individuellement, et que cela soit découvert par un procédé honorable, ceux-là seraient appelés à en répondre devant le Métier. Et il leur serait infligé des punitions et pénalités conformément au serment et aux engagements pris à l’égard de la Guilde. 

Mais si quelqu’un ignore la punition ou la sommation sans motif valable et ne se présente pas, celle-ci lui sera néanmoins infligée pour sa désobéissance, bien qu’il ne soit pas présent. Et s’il ne la respecte pas, il ne lui sera plus permis de faire quoi que ce soit, et aucun tailleur de pierre ne restera à ses côtés jusqu’à ce qu’il soit redevenu obéissant.

37. - Qui sera le Juge supérieur de ce métier. Marx Schan, Maître des travaux de la Fondation7 de l’Œuvre Notre-Dame, à Strasbourg, et tous ses successeurs.

38. - Ce district appartient à Strasbourg. Toute la région située au-dessus de la Moselle, la Franconie jusqu’à la forêt deoThu­rin­ge, le Ba­benbergojusqu’àol’évêchéod’Eichstat­ten,od’Eich­­s­tetten jusqu’à Ulm, d’Ulm à Augsbourg et d’Aug­sbourg à Adelberg et jusqu’à l’Italie, et les Pays de Misnie, Hesse et Souabe, devront respecter ces Ordonnan­ces.

39. - Ce district appartient à Vienne. Au Maître d’œuvre de Saint-Stéphane à Vienne appartiennent Lampach, la Styrie, Werkhausen, la Hongrie, et la basse vallée du Danube.

40. - Ce district appartient à Cologne. Au Maître d’œuvre de la Fondation de Cologne et à tous ses successeurs appartiennent les bas territoires et on doit leur obéir de la même manière, qu’il s’agisse de chan­tiers ou de loges déjà membres de la Guilde ou qui le deviendraient plus tard.

41. - Ce district appartient à Zurich. Berne, Bâle, Lucerne, Schaffhausen, Saint-Gall, etc., et tout chantier existant dans la Confédération [helvétique] ou qui pourraient y être créés, doivent obéissance au Maître de Zurich.


Ordonnances des Parliers et des Compagnons du Métier des tailleurs de pierre

42. - Tout parlier doit honorer son maître, être bienveillant et empressé et obéissant à son égard, conformément aux règles de la Maçonnerie, et lui obéir avec une fidélité à toute épreuve, ainsi que cela se pratiquait dans l’ancien temps. Et tout compagnon agira de même.

43. - Si quelqu’un désire voyager, ainsi doit-il prendre congé. S’il plait à un compagnon de poursuivre son voyage, il doit se séparer de son maître, de sa loge, et de son hostellerie de façon à ce qu’il ne soit redevable de rien, et que personne ne puisse avoir de grief contre lui en cas de rencontre ultérieure.

44. - Comment les compagnons obéiront aux maîtres et aux parliers. Quelle que soit la loge où il sera employé, un compagnon passant obéira au maître et au parlier, con­formément aux règles et aux anciens usages de la Maçonnerie, et respectera également toutes les règles et privilèges qui sont d’un usage ancien dans ladite loge.

45. - Aucun compagnon n’entravera le travail de son maître. Un compagnon ne critiquera pas l’ouvrage de son maître, ni secrètement, ni ouvertement, et cela en aucune façon, sauf si le maître transgresse ces Ordonnances ou agit contrairement à celles-ci à la vue de tous.

46. - Aucun compagnon vivant en adultère ne sera employé. Aucun maître ou artisan n’emploiera un compagnon qui vit en adultère avec une femme ; ou qui mène une vie déshonorante avec les femmes ; ou qui ne participe pas à la sainte Communion conformément à la discipline chrétienne ; ou quelqu’un qui serait assez fou pour jouer ses vêtements.

47. - Si un compagnon prend arbitrairement congé. Si un compagnon devait arbitrairement prendre congé d’une loge principale, ou de toute autre loge, le maître et les compagnons de ladite loge ne le laisseraient pas partir impuni.

48. - Ne pas congédier sauf un soir de paye. Si un artisan ou un Maître d’œuvre souhaite congédier un compagnon passant qui est à son service, il ne le congédiera pas un autre jour que le samedi, ou un soir de paye, afin qu’il ait de quoi voyager le lendemain ; à moins qu’il n’ait donné des causes d’offenses. La réciproque doit être respectée par un compagnon qui demande son congé.

49. - Ne s’adresser à personne d’autre que le maître ou le parlier pour obtenir un emploi. Pour obtenir un emploi, aucun compagnon ne sollicitera quelqu’un d’autre que le maître ou le parlier de la logeo; ni secrètement ni ouvertement, sans leur consentement.

50. - Ne pas se liguer. De même, les compagnons ne se mutineront pas ou ne conspireront pas pour quitter collectivement un emploi, et retarder ainsi la construction d’un édifice, car jusqu’à présent les bénéfices de notre Confrérie proviennent des seigneurs et des cités presque exclusivement. 

Mais si un maître a une mauvaise conduite, dans quelque cas que ce soit, il sera convoqué devant le Métier, et soumis à son jugement. Dans l’attente du jugement, un tel maître ne sera pas ignoré par ses compagnons ; s’il ne respecte pas la sentence, dans ce cas, on pourra l’abandonner.

51. - Ne pas quitter la Loge sans permission. Aucun compagnon ne doit sortir de la loge sans permission ou, s’il sort pour la soupe ou un autre repas, il ne restera pas à l’extérieur sans autorisation ; de même, il ne chômera pas le lundi. 

Si un compagnon agissait ainsi, il serait puni par le maître et les compagnons, et le maître pourrait le congédier à n’importe quel moment de la semaine.

52. - Plus de brutalités. A l’avenir, dans aucune loge, quelle qu’en soit la cause, on ne pourra battre quelqu’un sans que le Maître d’œuvre en ait eu connaissance et donné son con­sentement. 

Et il n’y aura dans aucun chantier ou ailleurs rien qui ne soit jugé et entendu, par les maîtres ou les compagnons, sans que le Maître d’œuvre supérieur le sache et ait donné son consentement pour la punition.

53. - Ne pas bavarder dans la Loge. Dans le futur, les compagnons resteront en loge devant leur bloc de pierre et ne bavarderont pas ensemble, afin que les maîtres ne soient pas gênés dans leur travail.

54. - Ce qu’un apprenti doit promettre au Métier quand il a terminé son temps et est déclaré libre. En premier, chaque apprenti ayant terminé son temps et qui est déclaré libre, doit promettre au Métier, par serment et sur son honneur, au risque de perdre son droit de pratiquer la Maçonnerie, qu’il ne communiquera ou ne révélera à personne le salut et l’attouchement du maçon, excepté à celui auquel il peut régulièrement le communiquer ; et aussi qu’il n’en écrira rien. 

Deuxièmement, il promettra, ainsi qu’il a été dit, obéissance au Métier de la Maçonnerie pour tout ce qui a trait à celui-ci, et que s’il venait à être condamné par le Métier, il subirait pleinement la sentence et l’observerait. 

Troisièmement, il promettra de ne pas affaiblir, mais de renforcer le Métier autant que ses moyens le lui permettront. 

Quatrièmement, personne n’aidera qui que ce soit à tailler la pierre qui n’est pas régulier à l’égard du Métier ; et aucun maître n’emploiera qui que ce soit à tailler la pierre qui n’est pas un véritable tailleur de pierre, à moins d’en avoir été autorisé par tous les membres du Métier.

55. - Et personne ne changera de sa propre volonté et autoritairement la marque qui lui a été attribuée par le Métier ; mais s’il désire la modifier, il ne pourra le faire qu’avec le bon vouloir et l’approbation de tout le Métier.

56. - Et chaque maître, ayant des apprentis, devra loyalement enjoindre et inviter chacun d’eux, quand il aura accompli ses cinq années d’apprentissage, à devenir un frère, en vertu du serment qu’il a prononcé devant la Communauté.

57. - Aucun apprenti ne peut être parlier. Aucun artisan ou maître ne désignera comme parlier un apprenti qu’il a formé et qui est encore dans son temps d’apprentissage. 

58. - Et aucun artisan ou maître ne désignera comme parlier un apprenti qu’il a formé, même s’il a servi son temps d’apprentissage, à moins qu’il n’ait voyagé pendant un an.


Ordonnances pour les Apprentis

59. - Quiconque accepte un apprenti ne peut le faire sans une caution de moins de 20 gulden qu’il déposera chez un autre [maître] qui réside dans le même lieu, afin qu’en cas de mort du maître avant la fin du temps d’apprentissage, l’apprenti puisse servir le Métier avec un autre maître et ainsi terminer son temps de cinq années. 

Mais s’il ne les termine pas, il abandonnera les 20 gulden au Métier pour ses dépenses et pertes, de la même manière qu’il en serait redevable au maître pour l’avoir quitté sans motif valable durant son apprentissage ; ceci dans le but que les apprentis persévèrent et de­vien- nent d’authentiques tailleurs de pierre.

60. - Aucun artisan n’acceptera sciemment un apprenti de naissance illégitime ; il devra avoir fait d’honnêtes démarches avant de l’accepter, et demander à l’apprenti, par sa parole, si son père et sa mère ont vécu ensemble dans les liens du ma­riage.

61. - Il est aussi décrété qu’aucun artisan n’acceptera d’engager un apprenti pour moins de cinq ans ; et par conséquence, personne ne pourra payer d’argent pour le temps qu’il aurait encore à servir, mais accomplira entièrement ses cinq ans. Désormais, il ne pourra en être autrement, quoi qu’il en ait pu être précédemment.

62. - Et un père, lui-même maçon, sera autorisé à lier un ou plusieurs de ses fils pour cinq ans et à compléter leur instruction, mais seulement en présence d’autres tailleurs de pierreo; un tel apprenti ne pourra être âgé de moins de 14 ans.

63. - Si quelqu’un a servi pendant un certain temps un maçon qui n’est pas tailleur de pierre, ce temps ne sera pas pris en compte et déduit des cinq années d’apprentissage ; il devra servir cinq ans un tailleur de pierre, comme il a été dit.

64. - En conséquence, aucun maître n’acceptera un apprenti débutant ou ne le déclarera libre, sauf en présence du Métier et des compagnons alors employés dans la loge, afin qu’en cas de différends ou d’erreurs, ceux-ci puissent être tranchés facilement.65.o-oChaque apprenti promettra au Métier, par sa parole d’honneur, d’obéir à son maître pendant les cinq ans auxquels il lui sera lié, de le servir loyalement et fidèlement au mieux de ses intérêts pour lui éviter toute perte, pour autant que c’est en son pouvoir, sans exception, ni restriction.

66. - De son côté, durant ces cinq années, le maître donnera à son apprenti, selon les anciens us et coutumes du Métier, 10 gulden, à savoir 2 gulden par an, pour salaire, outre sa subsistance et son entretien.

67. - Il promettra d’être loyal et obéissant au Métier en toutes circonstances concernant celui-ci, et s’il surgissait un différend ou un désaccord avec son maître ou un autre tailleur de pierre, ou un autre apprenti, de porter l’affaire devant le Métier pour y être jugé et réglé, afin qu’en toutes choses, pour le bien comme pour le mal, il puisse obtenir justice et jugement selon les usages du Métier.

Il promettra de ne pas faire appel de la sentence prononcée, mais de s’y soumettre.

68. - De plus, rien ne sera caché à quiconque qui aura été accepté et déclaré libre ; mais tout ce qui doit lui être dit ou lu le sera et lui sera communiqué, afin que personne ne puisse invoquer d’excuse ou se plaindre que, s’il l’avait su auparavant, il n’aurait pas rejoint la Communauté.

69. - Et dans chaque cas [d’engagement d’un apprenti] on préparera deux morceaux de carton, dont l’un sera déposé à la loge, et l’autre avec la caution, de manière que chaque partie puisse savoir comment se comporter.

70. - Chaque maître qui accepte un apprenti paiera au Métier la somme de cinq bohémiens ou blapperts, mais pas plus. De même lorsque l’apprenti aura été déclaré libre, il se verra réclamer un gulden, mais jamais davantage. 

Cette somme pourra être dépensée en boisson par ceux qui sont présents et témoins de l’attribution de la liberté.

71. - Aucun maître ne doit prolonger de plus de 14 jours l’essai [préliminaire] d’un apprenti débutant, dont l’âge est conforme à celui prescrit par les articles, à moins qu’il ne s’agisse de son fils, ou bien que le maître ait un juste motif pour cette prolongation, à propos [du versement] de la caution par exemple, et qu’il n’ait pas de mauvaise intention.

72. - Lorsque quelqu’un abandonne son apprentissage. S’il se produit qu’un apprenti vienne à quitter son maître durant ses années d’apprentissage, sans un motif valable, et qu’ainsi il ne serve son temps complet, aucun maître n’emploiera un tel apprenti. 

Et personne ne restera près de lui, ou n’aura en aucune façon commerce avec lui, jusqu’à ce qu’il ait accompli son temps avec le maître qu’il a quitté, et fait amende honorable, ce dont il devra témoigner par une confirmation formelle de son maître. 

Et aucun apprenti ne pourra se libérer des obligations qu’il a envers son maître, à moins de se marier avec son consentement, ou d’avoir une raison majeureo; et ceci devra être fait en pleine connaissance de la Confrérie, avec l’accord des tailleurs de pierre.

73. - Aucun maître ou compagnon, quel que soit son nom, ne doit inciter un apprenti qui lui est attaché à partir, ni le chasser ou en prendre un venant d’ailleurs, à moins que celui-ci n’ait rempli au préalable toutes ses obligations envers son maître et puisse le quitter sans doléance. 

Mais si cela venait à se produire, il serait convoqué devant le Métier et puni.


Nota : Les Ordonnances de Strasbourg sont suivies des noms des maîtres et compagnons qui, à Strasbourg et à Bâle, ont établi, renouvelé et con­firmé les Règlements des tailleurs de pierre d’Allemagne.

Y figurent 70 maîtres, dont Marx Schan, Maître des travaux de la Fondation de l’Œuvre Notre Dame, et 30 autres noms de compagnons.

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NOTES

1 - Depuis le début du XIIIe siècle, les travaux de construction et d’entretien de la cathédrale de Strasbourg (achevée en 1439) ont pour Maître d’ouvrage la Fondation de l’Œuvre de Notre-Dame – toujours en activité. De 1525 à 1682, l’édifice a été un lieu de culte protestant. 

2 - En 1563, l’empereur romain germanique est Ferdinand Ier (1503-1564), qui a succédé à son frère, Charles Quint, en 1556.

3 - Les mots Fraternité, Confrérie, Guilde, Métier, Communauté, sont indifféremment utilisés dans le texte.

4 - Les Quatre-Temps sont, dans le calendrier liturgique catholique, un temps de jeûne (de trois jours) intervenant au commencement des quatre saisons.

5 - Bohémien, pfennig - Monnaies médiévales, en usage dans l’empire romain germanique.

6 - Gulden, blappert - Autres monnaies médiévales.

7 - De style gothique, le siège de la Fondation de l’Œuvre Notre Dame, situé à faible distance de la cathédrale, a été construit en 1347o; bien que partiellement détruit par un bombardement aérien survenu en août 1944, il abrite toujours, intacte, la salle où se réunissaient jadis les tailleurs de pierre de la Grande Loge de Strasbourg.

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