Page 12

LE MANUSCRIT GRAND LODGE (1583)


Traduction inédite de l’Anglais médiéval.


Que la puissance du Père du ciel, et la sagesse du Fils glorieux, par la grâce et la bonté du Saint Esprit, qui sont trois personnes en un seul Dieu, soient avec nous à notre commencement, et nous donnent la grâce de nous diriger dans notre vie de telle sorte que nous puissions parvenir à sa béatitude, qui n’aura jamais de fin. Amen.


Chers Frères et Compagnons, notre propos est de vous dire comment et de quelle manière ce digne Métier de la Maçonnerie a commencé, et a ensuite été conservé par de valeureux rois et princes et par de nombreux autres hommes vénérableso; et à ceux qui sont présents nous ferons prêter serment sur les Devoirs qu’il appartient à tout vrai maçon de respecter ; car en toute bonne foi – et les maçons y prennent bien garde – ils méritent d’être bien observés, car c’est un noble métier, et une Science singulière : il y a sept Sciences libérales et il s’agit de l’une d’elles.

Les noms de ces sept Sciences sont les suivants : 

La première est la Grammaire, qui enseigne à l’homme à parler franchement et à écrire correctement. 

La seconde est la Rhétorique, qui enseigne à l’homme à parler clairement et en termes subtils. 

La troisième est la Dialectique, qui enseigne à l’homme à discerner ou à séparer le vrai du faux. 

La quatriè­me est l’Arithmétique, elle enseigne à l’homme à calculer et à comp­ter toutes sortes de nombres. 

La cinquième est la Géométrie, qui enseigne à l’homme la proportion et la mesure de la terre et de toutes les autres choses ; cette Science est aussi appelée Maçonnerie. 

La sixième Science est appelée Musique, qui en­seigne à l’homme l’art du chant, et à jouer de la voix, de l’orgue, de la harpe et de la trompette. 

La septième Science est appelée Astronomie, qui enseigne à l’homme à connaître la course du soleil, de la lune, et des étoiles. 

Ce sont là les sept Sciences libérales, lesquelles se trouvent toutes dans une seule Science, savoir la Géométrie, et on peut prouver que toute la Science du monde se trouve par la Géométrie. Car la Géométrie enseigne à l’homme la mesure, la pondération et le poids de toute espèce de choses sur terreo; et il n’y a aucun homme, pratiquant quelqu’art que ce soit, qui ne travaille par quelque proportion ou mesure ; et aucun homme n’achète ni ne vend, si ce n’est par quelque mesure ou quelque poids, et tout cela constitue la Géométrie ; et ces marchands, ces artisans, et tous les autres des six Sciences, spécialement les laboureurs et ceux qui cultivent toute espèce de grains et de semences, les planteurs de vignes et les producteurs d’autres fruits1. Car ni par la Grammaire, ni par l’Arithmétique, ni par l’Astronomie, ni par aucune de toutes les autres six [Sciences], un homme ne peut trouver de proportion ni de mesure, sans recourir à la Géométrie. C’est pourquoi je pense que la Science de la Géométrie est la plus noble de toutes, celle qui génère toutes les autres.

Je vais vous dire comment cette noble Science a commencé. Avant le déluge de Noé, il y avait un homme appelé Lameth [Lémec], ainsi qu’il est écrit dans la Bible, au quatrième chapitre de la Genèse. Et ce Lémec eut deux femmes, l’une s’appelait Ada et l’autre Tsilla. De sa première femme, Ada, il eut deux fils, l’un s’appelait Jabell [Jabal] et l’autre Jubal. Et de son autre femme, Tsilla, il eut un fils et une fille. 

Et ces quatre enfants trouvèrent les bases de tous les arts du monde. Et le fils aîné, Jabal, trouva l’art de Géométrie ; et il partagea les troupeaux de moutons et les terres, et le premier il construisit une maison de pierre et de bois, comme cela est noté dans le chapitre précité. Et son frère, Jubal, trouva l’art de Musique, du chant, de la voix, de la harpe, et de l’orgue. 

Le troisième frère, Tubalcain [Tubal-Caïn], trouva l’art du forgeron en or, argent, cuivre, fer et acier. Et la fille trouva l’art du tissage. Ces enfants savaient bien que Dieu tirerait vengeance du péché, par le feu ou par l’eau. Aussi écrivirent-ils les Sciences qu’ils avaient trouvées sur deux colonnes de pierre, afin qu’on pût les retrouver après le déluge de Noé. 

L’une des pierres était le marbre, qui ne serait brûlé par aucun feuo; et l’autre pierre était appelée laterns [brique], parce qu’elle ne serait noyée dans aucune eau.

Notre intention est de vous dire comment et de quelle manière ces pierres, sur lesquelles ces Sciences étaient écrites, furent retrouvées. Le grand Hermarines, qui était le fils de Cubye, lequel Cubye2 était le fils de Sem, qui était le fils de Noé (ce même Hermarines qui fut plus tard appelé Hermès, père de la sagesse), retrouva une des deux colonnes de pierre, ainsi que les Sciences qui y étaient écrites, qu’il ensei­gna aux autres hommes.

Lors de la construction de la tour de Babylone [Babel], on fit grand usage de la Maçonnerie. Et le roi de Babylone, qui s’appelait Nembroth [Nimrod], fut maçon lui-même, et aima bien le Métier, comme il est dit par les Maîtres d’Histoires3. Et lorsqu’il fallut bâtir la cité de Ninive et d’autres cités de l’orient, Nimrod, le roi de Babylone, y envoya quarante maçons4 à la demande du roi de Ninive, son cousin. 

Quand il les envoya, il leur donna l’obligation selon laquelle ils devraient être francs les uns envers les autres, vivre en bonne intelligence, servir loyalement leur seigneur pour leur salaire, de façon telle que leur maître en soit honoré et en reçoive tout le mérite. Il leur donna encore d’autres obligations ; et ce fut alors la première fois qu’un maçon se vit imposer des obligations pour son métier.

Quand Abraham et Sara sa femme, allèrent en Égypte, il enseigna les sept Sciences aux Égyptiens. Il eut un élève studieux, appelé Ewckled [Euclide], qui apprit très bien et devint un maître dans la pratique des sept Sciences. Il advint, à son époque, que les seigneurs et les grands du royaume eurent tant de fils, les uns de leurs femmes, les autres d’autres dames du royaume, car ce pays est chaud et d’une abondante féconditéo; ils ne voyaient pas comment donner à leurs enfants des moyens d’existence suffisants, ce qui leur causait beaucoup de souci. 

Le roi du pays tint alors un grand conseil pour déterminer comment ils pourraient élever honnêtement leurs enfants en gentilshommes, mais ils ne parvinrent pas à en trouver le moyen. Alors proclamèrent-ils par tout le royaume que s’il y avait un homme qui pût les éclairer, il vînt à eux, et qu’il serait récompensé pour son dérangement d’une façon dont il aurait tout lieu d’être satisfait. 

Après que cette proclamation eut été faite, Euclide, ce digne clerc, se présenta et dit au roi et à tous les grands seigneurso: 

« Si vous me confiez vos enfants pour leur éducation, je leur enseignerai une des sept Sciences, de laquelle ils pourront vivre honorablement, à condition que vous nous garantissiez, à moi et à eux, que j’aurai le pouvoir de les gouverner de la manière que la Science l’exige ». 

Le roi et son conseil le lui garantirent aussitôt, et scellèrent le con­trat. Alors ce digne clerc prit avec lui les fils de ces seigneurs, et leur enseigna la Science de la Géométrie, appliquée aux travaux de tous les maçons dans la construction d’églises, de temples, de châteaux, de tours et de manoirs, et toute autre espèce d’édifices. Il leur donna alors des Devoirs ainsi établis : 

Le premier Devoir fut qu’ils devraient être fidèles au roi et aux seigneurs qu’ils serviraient, qu’ils devraient s’aimer les uns les autres, qu’ils devraient s’appeler mutuellement Com­pagnons ou Frères, et non se traiter de serviteurs, de valets ou d’aucun autre nom. Et qu’ils devraient s’efforcer de mériter leur paie de la part du seigneur ou du maître qu’ils auraient à servir, et qu’ils devraient établir comme Maître d’œu­vre le plus sage d’entre eux, et non choisir par affection, parenté, richesse ou faveur un homme de peu de savoir pour être Maître des travaux du seigneur, sans quoi le seigneur pourrait être mal servi, et eux-mêmes déshonorés. Ils devraient aussi appeler Maître des travaux le Maître d’œuvre tout le temps qu’ils travailleraient avec lui. Et il leur donna encore bien d’autres Devoirs qu’il serait trop long d’énumérer. 

Et pour tous ces Devoirs, il leur fit prêter un grand serment dont les hommes usaient à cette époqueo; et il fixa pour eux un salaire raisonnable, avec lequel ils pourraient vivre honnêtement. Et ils devraient aussi se réunir et s’assembler une fois par an, pour déterminer comment ils pourraient servir leur seigneur au mieux de ses intérêts et pour leur propre honneur, ainsi que pour corriger entre eux ceux qui seraient contrevenus contre le Métier. 

C’est ainsi que le Métier fut fondé là. Et ce digne clerc, Euclide, lui don­na le nom de Géométrie ; et maintenant, dans notre pays, on l’appelle partout Maçonnerie.

Longtemps après, lorsque les enfants d’Israël furent arrivés dans la Terre Promise, qui est maintenant appelée parmi nous le pays de Jérusalem, le roi David commença le temple, qui est appelé Templum Domini, et que nous appelons Temple de Jérusalem. Et ce même roi David aima bien les maçons, et il les chérit fort et leur donna un bon salaire. Et il leur donna les Devoirs et les coutumes qu’il avait appris en Égypte, ceux qu’avait donnés Euclide, et d’autres Devoirs encore, que vous entendrez plus loin.

Après le décès du roi David, Salomon, qui était le fils du roi David, acheva le Temple que son père avait commencé. Il envoya chercher des maçons dans diverses contrées et divers pays, et il les réunit tous ensemble, de sorte qu’il eut quatre-vingt mille ouvriers, tous travailleurs de la pierre, et ceux-ci furent tous appelés Maçons. Et il choisit trois mille d’entre eux, qui furent établis maîtres et gouverneurs de ses travaux.

Il y avait par ailleurs un roi d’un autre pays, que les hommes appelaient Iram [Hiram], et qui aimait bien le roi Salomono; il lui donna du bois de charpente pour son entreprise. Il avait un fils qui s’appelait Aynone5, et celui-ci était Maître en Géométrie. Et il fut Maître en chef de tous ses maçons, et il fut Maître de tous ses ouvrages de gravure et de sculpture, et de tous les autres travaux de Maçonnerie concernant le templeo; cela est rapporté dans la Bible, au quatrième livre des Rois, chapitre trois6. 

Salomon confirma les Devoirs et les coutumes que son père avait donnés aux maçons. C’est ainsi que ce noble Métier de la Maçonnerie fut confirmé dans le pays de Jérusalem, et dans bien d’autres roy­aumes.

Des hommes du Métier, pleins de zèle, voyagèrent au loin, en divers pays, les uns pour étudier le Métier et acquérir plus de savoir, et les autres pour instruire ceux qui en manquaiento; il advint ainsi qu’il y eut un maçon zélé qui s’appelait Naymus Grecus7 [Næmus Græcus] qui avait travaillé à la construction du Temple de Salomon. Il vint en France et là, il enseigna la Science de la Maçonnerie aux hommes de France. 

Et là, était un homme de la famille royale de France qui s’appelait Charles Martel ; c’était un homme qui aimait bien ce Métier, et il fit venir ce Naymus Grecus, qui lui apprit le Métier ; il en adopta les Devoirs et les coutumes. Ensuite, il fut élu, par la grâce de Dieu, roi de France. 

Et quand il fut sur le trône, il rassembla des maçons et les aida à faire d’autres maçons d’hommes qui ne l’étaient paso; il leur fournit du travail, et il leur donna les Devoirs et les coutumes qu’il avait reçus d’autres maçons ainsi qu’un bon salaire. Il les chérit fort et il leur confirma, d’année en année, une charte leur permettant de tenir leur assemblée là où ils le désiraient. Ce fut ainsi que le Métier vint en France.

Pendant tout ce temps l’Angleterre resta privée de tout Devoir de Maçonnerie, ceci jusqu’à l’époque de saint Albone [Alban]o; le roi d’Angleterre, qui était païen, fit alors cons­truire les remparts de la ville qui est désormais appelée Saint-Alban. Et saint Alban, preux chevalier et intendant de la maison du roi, eut l’administration du royaume, et la charge des fortifications des villes. 

Il aima bien les maçons et les chérit fort. Il augmenta leur salaire, eu égard aux ressources du royaume, et leur donna deux shillings et six pence par semaine, plus trois pence pour leur subsistance ; auparavant dans tout le pays, un maçon ne recevait qu’un penny par jour, plus sa nourriture, jusqu’à ce que saint Alban y portât remède. 

Et il leur fit obtenir une charte et une commission du roi et de son con­seil, leur permettant de tenir un conseil général, auquel il donna le nom d’assem­bléeo; il y vint lui-même, aidant à faire des maçons, et il leur donna des Devoirs que vous entendrez bientôt.

Après le décès de saint Alban, il y eut diverses guerres en Angleterre, apportées par diverses nations, de sorte que le bon fonctionnement de la Maçonnerie disparut jusqu’au temps du roi Athelston [Athelstan], qui fut un bon roi d’Angleterre, et qui donna à tout le pays la tranquillité et la paix. Il construisit beaucoup de grands ouvrages, abbayes, forteresses, et beaucoup d’autres édifices. Il aima bien les maçons, et eut un fils qui s’appelait Edwin, qui aima les maçons bien plus encore que son père ; il pratiqua beaucoup la Géométrie, et s’efforça de fréquenter les maçons et de discuter avec eux, afin d’apprendre d’eux le Métier. 

Par la suite, à cause de l’amour qu’il portait aux maçons et au Métier, il fut lui-même fait maçon. Il obtint du roi, son père, une charte permettant [aux maçons] de tenir chaque année une assemblée, là où ils voudraient dans le royaume d’Angleterre, pour corriger entre eux les fautes et les transgressions qui auraient été commises dans le Métier. 

Il tint lui-même une assemblée à York ; et là il fit des maçons, leur donna des Devoirs, leur enseigna des coutumes, et il ordonna que la règle en soit gardée à jamais ; il leur confia la charte et la commission, et délivra une ordonnance stipulant qu’ils devraient les faire renou­veler de règne en règne.

Quand l’assemblée fut réunie, il demanda que tous les maçons, jeunes et vieux, possédant quelque écrit ou quelque connaissance des Devoirs et des coutumes qui avaient été établis auparavant dans ce pays ou dans tout autre, les apportent et les présentent. 

A l’examen, on en trouva qui étaient en français, en grec, en anglais, et en d’autres langues, et ils concordaient tous. Il en fit un livre, qui servit de référence au Métier et ordonna en personne qu’on le lirait ou qu’on le réciterait chaque fois qu’on ferait un maçon, et pour lui faire prêter son obligation. 

Depuis ce jour jusqu’à maintenant les coutumes des maçons ont été conservées du mieux possibleo; de plus, lors de diverses assemblées, certains Devoirs ont été faits et ordonnés sur le conseil judicieux des maîtres et des compagnons.

Tunc Vnus ex Senioribus tenent libru[m] & ille vel illi appo­sueru[n]t manus sub libru[m] [e]t tu[u]c pra[e]cepta deberent legi &c. 

Un des Anciens tient le livre8, et il ou ils [celui ou ceux qui sont faits maçons] posent les mains sur le livre, et alors on doit lire les Devoirs.

Que tout homme qui est maçon prête bien attention à ces Devoirs. Si un homme manque à l’un quelconque de ces Devoirs, qu’il s’en corrige devant Dieu ; et vous en particulier, qui allez prêter votre obligation, prenez bien soin d’observer scrupuleusement ces Devoirs, car c’est un grand péril pour un homme que de se parjurer sur un livre.

1. - Le premier Devoir est que vous devez être des hommes fidèles à Dieu et à la sainte Église ; vous ne devez pas user d’erreur ni d’hérésie en votre entendement et jugement, mais être des hommes de bon jugement et sages en toute chose.

2. - Vous devez être de fidèles hommes liges du roi d’Angleterre, vous gardant de la trahison et de toute autre déloyautéo; et si un acte de trahison ou de félonie venait à votre connaissance, vous chercheriez à l’empêcher discrètement si vous le pouviez ou, si vous ne le pouviez pas, vous en avertiriez le roi et son conseil.

3. - Soyez loyaux les uns envers 1es autres ; c’est-à-dire envers tous les maçons du Métier de la Maçonnerie qui sont maçons reconnus [acceptés]9 et agissez à leur égard comme vous voudriez qu’ils agissent envers vous.

4. - Gardez secrètes toutes les délibérations de vos compagnons, que ce soit en Loge ou en chambre, et toutes les autres délibérations qu’il y a lieu de ne pas révéler en Maçonnerie.

5. - Aucun maçon ne doit être voleur, ou en aider un, pour autant qu’il puisse le savoir ou le connaître.

6. - Soyez loyaux les uns envers les autres, et au seigneur ou au maître que vous servez, et œuvrez loyalement pour son profit et son avantage.

7. - Appelez Maçons vos compagnons ou frères, et ne leur donnez au­cun nom vulgaire.

8. - Ne prenez pas vilement la femme de votre compagnon, ne désirez pas honteusement sa fille ou sa servante, ne lui causez aucun déshonneur.

9. - Payez honnêtement votre nourriture et votre boisson là où vous logez.

10. - Ne commettez aucune vilenie là où vous logez, ce qui pourrait faire médire du Métier.

Tels sont les Devoirs généraux que tout maçon véritable doit observer, tant envers les maîtres que les compagnons.


Les Devoirs particuliers.

Je vais vous énumérer d’autres Devoirs particuliers pour les maîtres et les compagnons.

1. - Aucun maître ou compagnon ne se chargera de l’ouvrage d’un seigneur, ni d’aucun autre travail, s’il ne se sait capable et suffisamment instruit pour l’achever, de sorte qu’il n’en résulte aucun dommage pour la renommée et l’honneur du Métier, et que le seigneur soit bien et loyalement servi.

2. - Aucun maître ne prendra d’ouvrage qu’à un prix raisonnable, de sorte que le seigneur puisse être bien servi pour son argent, et que le maître puisse vivre honorablement et payer loyalement leurs salaires à ses compagnons, selon la coutume.

3. - Aucun maître ou compagnon n’en évincera un autre de son travailo; c’est-à-dire que si quelqu’un s’est chargé d’un travail ou est Maître d’œuvre d’un seigneur, on ne l’en évincera pas, sauf s’il est incompétent pour l’achever.

4. - Aucun maître ou compagnon ne prendra d’apprenti pour une durée inférieure à sept ans ; et l’apprenti sera de bonne naissance, c’est-à-dire qu’il sera né libre, et pourvu de tous ses membres, comme un homme doit l’être.

5. - Aucun maître ou compagnon ne prendra la liberté de faire un maçon sans l’avis et l’accord de ses pairs ; et il ne le prendra pas pour moins de six ou sept ans.

6. - Et celui qui sera fait maçon possèdera toutes les qualités requises, c’est-à-dire qu’il sera né libre, de bonne ascendance, honnête, non servile, et pourvu de tous ses membres, comme tout homme doit l’être. 

7. - Aucun maçon ne prendra d’apprenti à moins d’avoir suffisamment de travail à lui donner, ou de pouvoir mettre trois de ses compagnons ou au moins deux, au travail avec lui.

8. - Aucun maître ou compagnon ne prendra du travail à la tâche s’il se faisait auparavant à la journée.

9. - Tout maître paiera à ses compagnons seulement ce qu’ils méritent, de sorte qu’il ne soit pas trompé par des ouvriers déloyaux.

10. - Aucun maçon ne médira d’un autre derrière son dos, de manière à lui faire perdre sa bonne réputation ou ses biens terrestres.

11. - Aucun compagnon, ni dans la Loge ni au dehors, ne répondra mal à un autre, ni ne lui parlera sur un ton de reproche sans motif raisonnable.

12. - Tout maçon respectera ses aînés, et les honorera.

13. - Aucun maçon ne s’adonnera aux jeux de hasard ou aux dés, ni à aucun autre jeu défendu, ce qui pourrait faire médire du Métier.

14. - Aucun maçon n’usera de luxure, ni ne s’adonnera à la débauche, ce qui pourrait faire médire du Métier.

15. - Aucun compagnon ne sortira en ville le soir, là où il y a une Loge de compagnons, sans avoir avec lui un compagnon qui puisse témoigner qu’il n’a fréquenté que des lieux honnêtes.

16. - Tous les maître et les compagnon viendront à l’assemblée si elle a lieu dans un rayon de cinquante miles, s’ils en ont été avertis. Et s’il ont commis une faute envers le Métier, ils y prendront connaissance de la sentence des maîtres et compagnons.

17. - Tous les maîtres et compagnons [ayant à se plaindre] se présenteront devant les maîtres et compagnons chargés de trouver un accordo; et si celui-ci ne peut être trouvé, ils auront recours à la Loi civile10.

18. - Aucun maître ou compagnon ne réalisera de gabarit, d’équerre ni de jauge pour un maçon de pose [layer]11.

19. - Aucun maître ou compagnon ne demandera à un maçon de pose, dans la Loge ou en dehors, à tailler ou à façonner des pierres.

20. - Tout maçon accueillera et traitera avec affection les compagnons étrangers, quand ils arriveront dans le pays, et il les mettra au travail, s’ils le désirent, comme le veut la tradition, c’est-à-dire sur place, s’il a des pierres à sculpter ; ou bien il lui donnera de l’argent pour lui permettre de rejoindre son prochain hébergement.

21. - Tout maçon servira loyalement le seigneur pour son salaire ; et tout maître achèvera loyalement son ouvrage, qu’il soit à la tâche ou à la journée, s’il reçoit tout ce qu’il doit avoir.


Vous conserverez ces Devoirs qui viennent de vous être présentés, ainsi que tous les autres qui concernent les maçons. Que Dieu vous vienne en aide pour votre salut éternel, par ce livre qui est entre vos mains, selon vos moyens. Amen, ainsi soit-il.

Scriptum Anno Domini 1583

Le 25ème jour de décembre

––––––––––––


NOTES

1 - La phrase est curieusement construite, d’où une difficulté majeure de compréhension. Pour en bien saisir le sens, il faut se reporter au Manuscrit d’York n°1 où l’on peut lire : Des marchands, des artisans et de tous ceux qui pratiquent les sept Sciences, et par­ticulièrement les laboureurs, les semeurs de toutes sortes de grains et de graines, les planteurs de vignes, les marchands de fruits, personne ne peut dénombrer ou mesurer, par la Grammaire, la Rhétorique, l’Astronomie ou toute autre Science libérale, sans recourir à la Géométrie. 

2 - Il n’est pas de Cubye dans la Genèse : Cham, frère de Sem, a toutefois un fils prénommé Cush.

3 - Le rédacteur du manuscrit a écrit « maîtres des histoires » (double pluriel) au lieu de «oMaître des Histoires », surnom donné à Pierre Comestor (1110-1179), théologien et chanoine de l’abbaye de Saint-Victor, à Paris.

4 - Le nombre des maçons envoyés par Nimrod à son cousin Assur est de 40 dans le Manuscript Grand Lodge, 3 000 dans le Manuscript Cooke et de 6 dans le Manuscrit Sloane n°3848.

5 - Aynone fait penser à Anyone qui, considéré comme mot commun de la langue anglaise, signifie : N’importe qui…

6 - Voir chapitre 7, note 14.

7 - Naymus Grecus, encore dénommé Næmus Græcus, Manus Græcus, Memon Grecus, Marcus Græcus, voire Namus Grenatus est un personnage mythique sans origine précise. Après avoir servi le roi Salomon (dix siècles avant J.-C.) il aurait introduit la Science de la Maçonnerie dans le royaume de Charles Martel (huit siècles après J.-C.).

8 - Le texte ne précise pas de quel « livre » il s’agit, mais le contexte veut qu’il s’agisse du Livre des Devoirs, plutôt que de la Bible.

9 - On trouve, tant dans le Manuscript Grand Lodge que dans le Manuscrit d’York, la mention « allowed masons » que l’on peut considérer, à l’instar de l’auteur américain Albert Mackey (au XIXe siècle), comme se référant à des maçons reconnus, admis ou… acceptés; soit des maçons qui ne sont pas opératifs ou du Métier.

10 - La phrase est incomplète et doit être reconstituée pour devenir com- préhensible.

11 - Layer - C’est le maçon de pose ; celui qui élè- ve les murs.

 guy@chassagnard.net       © Guy Chassagnard 2016