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LE MANUSCRIT INIGO JONES (1607)


Traduction inédite de l’anglais ancien.


L’Ancienne Constitution des Maçons libres et acceptés.


Que la puissance du Père des cieux, et la sagesse d’un Fils glorieux, par la grâce et la bonté de l’Esprit Saint, soit trois personnes en un seul Dieu, soient avec nous et nous accordent la grâce de bien nous conduire en cette vie, de manière que nous méritions sa bénédiction éternelle.

Chers Frères et Compagnons, notre propos est de vous raconter comment et de quelle manière cette estimable Science de la Maçonnerie a été fondée et comment, ensuite, elle a pu être maintenue et encouragée par des rois et des princes valeureux, ainsi que par bien d’autres hom­mes de qualité. 

Ainsi, à tous ceux qui sont ici, nous présenterons les Devoirs qu’il incombe à cha­que maçon libre de conserver avec foio; et en conséquence, sachez qu’il y a lieu de préserver cette Science ancienne, l’une des sept Sciences libérales.

Les noms de ces sept Sciences sont les suivants :

La première est la Grammaire, qui enseigne à l’homme à parler et écrire correctement. 

La seconde est la Rhétorique, qui enseigne à l’homme à bien parler, en termes élégants. 

troisième est la Dialectique ou Logique, qui enseigne à l’homme à discerner le vrai du faux. 

La quatrième est l’A­rithmétique, qui enseigne à l’homme à reconnaître et à compter toutes sortes de nombres. 

La cinquième est la Géométrie, qui enseigne à l’homme toutes les mesures de la terre et bien d’autres choses ; cette Science est appelée Maçonnerie. 

La sixième Science est la Musique, qui enseigne à l’homme l’art du chant, l’art de la composition et de jouer méthodiquement de divers instruments, comme l’orgue et la harpe. 

La septième Science est appelée Astronomie, qui enseigne à l’homme la connaissance de la marche du soleil, de la lune et des étoiles.

Notez, je vous prie que ces sept Sciences se trouvent toutes réunies dans la Géométrie, car elles enseignent l’estimation et la mesure, la pon­­­­dé­ration et le pesage de toutes les choses qui sont sur la terre et que vous pouvez connaîtreo; chaque homme travaille par la mesure : il achète et il vend, en pesant et en mesurant. 

Les gens de la terre, les marins, les planteurs, tous ont recours à la Géométrie, car ni la Grammaire, ni la Logique et aucune des autres Sciences ne peuvent exister sans la Géométrie ; Science des plus estimables et des plus honorables.

Vous pouvez me demander comment cette Science fut inventée. Ma réponse est la suivante : 

Avant le déluge général, qui est appelé communément Déluge de Noé, il y eut un homme appelé Lamech [Lémec], ainsi qu’il est écrit dans la Bible au chapitre 4 de la Genèseo; qui eut deux femmes, l’une appelée Ada, l’autre Tsillao; avec Ada, il eut deux fils, Jabal et Jubalo; avec Tsilla, il eut un fils appelé Tuball [Tubal-Caïn], et une fille appelée Naama. 

Ces quatre enfants fondèrent les premiers éléments de toutes les Sciences du monde. Jabal fonda la Géométrie ; il divisa les troupeaux de moutons et construisit une maison de pierre et de bois. Son frère Jubal fonda la Science de la Musique ; il fut le père de ceux qui savent jouer de la harpe et de l’orgue. Tubal-Caïn fut l’instructeur des artisans du cuivre et du fer. Et la fille fon­da le Métier du tissage. 

Ces enfants savaient bien que Dieu se vengerait du péché par le feu ou par l’eau, c’est pourquoi ils inscrivirent les Sciences qu’ils avaient inventées sur deux colonnes qui pourraient être retrouvées après le déluge de Noé. L’une des colonnes était en marbre pour qu’elle ne soit pas brûlée par le feu, et l’autre en Laternes [brique] pour qu’elle ne soit pas engloutie par l’eau.

Notre intention est maintenant de vous dire franchement com­ment, et dans quelles circonstances, ces pierres, sur lesquelles étaient inscrites les Scien­ces, furent trouvées. Le grand Hermès (surnommé le Trismégiste, ou le Trois-Fois Grand), qui était à la fois roi, prêtre et philosophe, trouva en Égypte l’une [des pierres], sous le règne de Ninus – en l’an 2076 ; certains pensent qu’il fut le petit-fils de Cush, qui fut le petit-fils de Noé. 

Ce fut le premier à abandonner l’Astrologie pour admirer les autres merveilles de la nature. Il prouva qu’il n’y avait qu’un Dieu, créateur de toutes choses, il divisa le jour en douze heures ; on pense également qu’il fut le premier à diviser le zodiaque en douze signes ; il fut le sujet d’Osiris, pharaon d’Égypte. 

On pense qu’il inventa l’écriture ordinaire, les hiéroglyphes, les premières lois des égyptiens et diverses Sciences qu’il enseigna aux autres hommes.

Année du monde 1810. Lors de la construction de Babylone, la Maçonnerie fut largement employée. Et le roi de Babylone, le puissant Nimrod, fut lui-même un maçon, ainsi qu’il est rapporté par les Histoires anciennes. Et quand la cité de Ninive, et d’autres cités de l’Asie, furent sur le point d’être édifiées, Nimrod, le roi de Babylone, y envoya soixante maçons, ceci à la demande du roi de Ninive, son cousin ; et quand il les envoya il leur donna des Devoirs. 

Ils devraient être loyaux les uns envers les autre et s’aimer mutuellemento; ils devraient servir leur seigneur loyalement pour leur salaire, de façon que le maître puisse être honoré et recevoir son dû. Il leur donna d’autres Devoirs encore, et ce fut la première fois que des maçons reçurent des Devoirs pour leur Métier.

Quoi qu’il en soit, Abraham et Sara, sa femme, se rendirent en Égypte, et là ils enseignèrent les sept Sciences aux égyptiens ; il [Abraham] eut un élève particulièrement doué, nom­mé Euclyde [Euclide] – Année du monde 1948 –, qui étudia avec soin et devint le Grand Maître des sept Sciences ; et, durant le cours de sa vie, il advint que les seigneurs et les gens de condition de ce pays eurent tant de fils, qu’ils ne furent pas en état de subvenir à leurs besoins ; aussi s’adressèrent-ils au roi de ce pays et réunis en grand conseil, et cherchèrent-ils à savoir comment faire honnêtement de leurs enfants des gentilshommeso; mais ils ne trouvèrent aucun moyen d’y parvenir. 

Aussi proclamèrent-ils à travers tout le pays que s’il exis­tait un homme capable de les conseiller, il serait généreu­sement récompensé pour son intervention.

Après que cette proclamation eut été faite, vint Euclide, ce clerc remarquable, qui dit au roi et aux seigneurs :

 «  Si vous me confiez vos enfants, je leur enseignerai l’une des sept Scien­ces, avec laquelle ils pourront vivre honnêtement comme  doivent le faire les gens de qualité ; ceci à la condition que vous leur accordiez, et que vous me donniez le pouvoir de les diriger selon les règles exigées par ladite Science ». 

Le roi et son conseil lui accordèrent ce mandat. Alors ce remarquable clerc, Euclide, prit avec lui les fils des seigneurs et leur enseigna la Science de la Géométrie, et la pratique du travail de la pierre de toutes les façons propres à assurer la construction d’églises, de temples, de tours, de châteaux, et de toutes autres sortes d’édifices ; et ils leur donna les Devoirs de cette Science.

Premiè­rement ils devraient être fidèles au roi et au seigneur qu’ils serviraient, et à la Fraternité dans laquelle ils seraient admis ; ils devraient s’aimer les uns les autres et être loyaux entre eux ; ils devraient s’appeler mutuellement Compagnons ou Frères, et non serviteurs, valets, ou d’un autre nom dégradant ; ils devraient pleinement mériter leur paie du seigneur, ou du maître qu’ils serviraient ; ils devraient désigner les plus sages d’entre eux pour être le Maître des travaux, et ne jamais choisir par amour, affection, faveur ou richesse, celui qui n’aurait pas une capacité et un savoir suffisants pour le devenir, en quel cas le seigneur pourrait être mal servi et eux-mêmes être déshonorés ; ils devraient se soumettre aux ordres du Maître des travaux tout le temps qu’ils travailleraient avec lui. 

Il leur donna bien d’autres règles qu’il serait trop long d’énumérer, qu’il leur fit jurer de respecter par un serment alors en usage. Il détermina pour eux une paie raisonnable leur permettant de vivre honnêtement ; il leur ordonna de s’assembler une fois par an, afin de se con­sulter sur le meilleur moy­en de travailler pour le profit du seigneur et leur propre réputation ; et de redresser celui d’entre eux qui pourrait contrevenir aux règles du Métier. 

Ainsi fut établie la Science, que le no­ble clerc Euclide fut le premier à nommer Géométrie, et que l’on appelle désormais Maçonnerie à travers tout ce pays.

Année 2474 (II Sam. 5.6). Longtemps après que les enfants d’Israël eurent pénétré dans le pays des Jébusites, qu’on appelle maintenant Jérusalem, le roi David commença le temple que l’on appelle Templum Domini, chez nous Temple de Jéru­salem, autrement dit Temple du seigneur. Le même roi David aima les maçons et les chérit, il leur donna de bons salaires. Il leur donna également des Devoirs semblables à ceux octroyés en Égypte par Euclide.

Après le décès du roi David, Salomon s’adressa à Hiram, roi de Tyr, pour disposer d’un artisan habile (appelé Hiram Abif), fils d’une femme de la tribu de Naphtali [Nephthali] et d’Urias l’Israélite.


DE SALOMON AU ROI HIRAM

Tu sais que mon père, ayant le désir de construire un temple à Dieu, a été empêché de mener à bien cette réalisation à cause des guerres continuelles et des troubles qu’il a eus à subir ; il ne prit jamais de repos avant d’avoir défait ses ennemis ou de les avoir soumis au tribut envers lui. 

Pour ce qui me concerne, je remercie Dieu pour la paix dont je jouis, car c’est grâce à ce moyen que j’ai l’opportunité (en accord avec mon propre désir) de construire un temple à Dieu ; car c’est lui qui a prédit à mon père que sa mai­son serait construite durant mon règne. 

C’est pourquoi je te prie de m’envoyer un de tes hommes les plus habiles avec mes serviteurs au bois du Liban afin qu’ils coupent des arbres en cet endroit ; car les Macédoniens2 sont plus habiles dans la coupe et dans la préparation du bois que notre peuple, et je paierai les bucherons selon tes instructions.


D’HIRAM AU ROI SALOMON

Tu as raison de remercier Dieu, car il a livré le royaume de ton père entre tes mains ; je te dirai, à toi qui es un homme sage et plein de vertu, qu’aucune nouvelle plus agréable ni qu’aucune preuve d’amour plus estimable que celle-ci ne peut me parvenir, et c’est pourquoi j’accomplirai tout ce que tu as demandé. Après avoir fait couper une grande quantité de bois de cèdre et de cyprès, j’ordonnerai à mes serviteurs de te l’adresser par mer au lieu de ton royaume qu’il te plaira ; après quoi tes sujets pourront le transporter à Jérusalem. 

En contrepartie, tu nous pourvoiras en blé, dont nous avons besoin, car nous habitons une île.

Pour finir le temple que son père avait commencé, Salomon, fils du roi David, envoya chercher des maçons en divers pays, et il les rassembla, si bien qu’il eut quatre-vingt mille travailleurs qui étaient des ouvriers de la pierre, et qui furent tous nommés maçons. 

Il en choisit trois mille pour être Maîtres et Gouverneurs de ses travaux. Et Hiram, roi de Tyr, envoya ses serviteurs à Salomon, car il avait toujours aimé le roi David ; et il envoya à Salomon du bois et des ou­vriers pour aider à la construction du temple. 

Il en envoya un qui s’appelait Hiram Abif, fils d’une veuve de la tribu de Neph­thali. Il était Maître en Géométrie et le meilleur de tous ses maçons, sculpteurs, graveurs et ouvriers du cuivre et de tous les autres métaux employés pour le temple. 

Le roi Salomon confirma à la fois les Devoirs et les usages que son père avait donnés aux maçons. Ainsi l’estimable Science de la Maçonnerie fut-elle confirmée à Jérusalem, et dans beaucoup d’autres roy­aumes. 

Et il [Salomon] acheva le temple en l’an du monde 3 000.

Des ouvriers habiles arpentèrent de long en large divers pays, les uns pour apprendre davantage le Métier et parfaire leur habileté, les autres pour enseigner à ceux qui avaient peu de savoir.

Année 3431. Et lorsqu’eut lieu la destruction du premier temple par Nebuchadnezar [Nabuchodonosor], celui-ci avait perduré pendant 430 ans. 

Le second temple fut commencé, sous le règne de Cyrus, 70 ans après sa destruction ; la cons­truction [du nouveau temple] dura 46 ans et celui-ci fut fini sous le règne de Darius.

Année 3813. Sous le règne de Ptolémée et de Cléopâtre, Onias construisit un temple juif en Égypte en un lieu appelé Bubastis, auquel il donna plus tard son propre nom.

Année 3842. La tour de Straton (autrement dit Césarée) fut construite par Hérode en Palestine, et beaucoup d’autres ouvrages singuliers, en marbre comme le temple de César, Agrippa furent bâtis à sa mémoire au pays appelé Zénodore, près d’un endroit appelé Panion.

Année 3946. Il démolit aussi le second temple qui avait été achevé sous le règne de Darius ; il employa un millier de chariots pour tirer les pierres jusqu’à l’endroit, et il choisit dix mille ouvriers habiles et experts pour les tailler et façonner, parmi lesquels il en désigna un millier qu’il vêtit et dont il fit des maîtres et des Chefs des travaux. 

Et il bâtit un nouveau temple – En 3947 –, qui n’était pas inférieur au premier, sur les fondations que Salomon avait édifiées. Ce temple fut achevé neuf ans avant la naissance de notre Sauveur – En 3956.

Après la nativité de notre Sauveur, Aururiagus était roi de Bretagne lorsque l’empereur Claude survint avec une arméeo; craignant d’être renversé, il se ligua avec lui, et lui don­na sa fille en mariage de façon à tenir son royaume des romains ; puis l’empereur s’en retourna.

Année du Christ 43. Les maçons vinrent en Angleterre et construisirent un superbe monastère près de Glassenbury, ainsi que de nombreux châteaux et de nombreuses tours.

Année 117. Cette remarquable Science de la Géométrie a été professée par d’innombrables empereurs, rois, papes, cardinaux et princes qui nous ont laissé des monuments durables en plusieurs endroits de leurs domaines ; ceci ne sera pas, je le présume, nié quand on aura constaté que la colonne Trajan, par exemple, qui est l’un des plus superbes vestiges de la magnificence des romains, est encore vue debout ; elle a plus fait pour immortaliser l’empereur Trajan que les plumes des historiens. Elle fut érigée par le Sénat et le peuple de Rome en mémoire des grands services qu’il avait rendus au payso; et finalement son souvenir a pu se perpétuer au cours des âges aussi longtemps que l’empire lui-même.

Année 300. Au temps de saint Albanes [Alban], le roi d’Angleterre, qui était un païen, édifia le mur de la ville qu’on appelait Verulum. Saint Alban était un preux chevalier et l’intendant de la maison royaleo; il avait obtenu le gouvernement du royaume, ainsi que des murs de la ville ; il aima bien les maçons, il les chérit beaucoup, et il fit que leur paie soit vraiment bonne, à l’égal de l’état du royaume, leur donnant deux shillings par semaine, et trois pence pour leurs collations ; car avant cette époque, dans tout le pays, un maçon ne gagnait qu’un penny par jour et sa nourriture, jusqu’à ce que saint Alban améliorât cela. Et il [saint Alban] leur obtint une charte royale pour qu’ils tiennent conseil une fois par an, [conseil] auquel il donna le nom d’assembléeo; il s’y rendit lui-même et aida à faire des maçons : il leur donna alors des Devoirs comme ceux que vous aurez plus tard.

Il arriva, après le martyre de saint Alban, qu’on considère comme le premier martyr d’Angleterre, qu’un certain roi envahit le pays et détruisit la plupart des habitants par le feu et par l’épée, et que la Science de la Maçonnerie déclina beaucoup jusqu’au règne d’Ethelbert, roi de Kent.

Année du Seigneur 596. Grégoire Ier, surnommé le Grand, envoya sur l’île de Bretagne un moine ainsi que d’autres hommes éclairés pour prêcher la foi chrétienne, car cette nation alors ne l’avait pas pleinement reçue. Ledit Ethelbert construisit une église à Canterbury et la dédia à saint Pierre et à saint Paul ; et on suppose qu’il construisit ou restaura l’église de saint Paul à Londres ; il construisit aussi l’église de saint André à Rochester.

Année 630. Sibert, roi des saxons de l’est, ayant reçu la foi chrétienne sur les instances d’Athelbert, roi de Kent, cons­truisit le monastère à Westminster en l’honneur de Dieu et de saint Pierre.

Année 895. Sigebert, roi des angles de l’est, entreprit d’ériger l’université de Cambridge. Athelstane [Athelstan] commen­ça alors à régner. C’était un homme aimé de tous les hommeso; il avait une grande dévotion envers les églises, comme cela apparut lors de la construction, la décoration et la dotation de monastères. 

Il en construisit un à Wilton dans le diocèse de Salisbury, un second à Michelney dans le Somer­setshireo; outre ceux-ci, il y avait peu de monastères renommés dans ce royaume, mais il les dota, où qu’ils soient, de nouveaux bâtiments, de joyaux, de livres, ou de terres ; il enrichit grandement l’église d’York.

Edwyn [Edwin], frère du roi Athelstan, aima les maçons beaucoup plus que son frère, et il fut un grand praticien de la Géométrie. Il se joignit lui-même à leur société et s’entretint avec les maçons pour apprendre le Métier ; après quoi en raison de l’amour qu’il avait pour les maçons et pour le Métier, il fut lui-même fait maçon et obtint de son frère une charte et une ordonnance pour tenir une assemblée dans le royaume, là où ils iraient, une fois par an, afin de corriger entre eux les fautes et les transgressions commises à l’intérieur du Métier. 

Il tint lui-même une assemblée à York, et là il fit des maçons, il leur donna des Devoirs et leur enseigna les usa­ges. Il leur ordonna de les conserver à jamais ; et il leur con­fia la charte et l’ordonnance  ; et il établit une ordonnance devant être renouvelée de roi en roi. 

Et quand l’assemblée entière fut réunie, il fit proclamer que tous les vieux maçons aussi bien que les jeunes qui possédaient un écrit ou connaissaient l’existence de Devoirs et d’usages, qui étaient en vigueur auparavant dans le pays, ou dans un autre, devraient les présenter. Il apparut alors qu’on en trouvât certains [écrits] en français, certains en grec, certains en anglais, et certains en d’autres lan­gues. Ils avaient tous la même destination et la même teneur. 

Il en fit un Livre sur la façon dont le Métier avait été fondé, et lui-même ordonna qu’il fût lu ou expliqué quand on ferait un maçon et qu’on lui communiquerait ses obligations. Et depuis ce jour jusqu’à aujourd’hui les usages des maçons ont été gardés de cette façon, dans la mesure où les hommes ont pu le faire. En outre lors de diverses assemblées certains Devoirs ont été élaborés et ordonnés d’après les meilleur avis des maîtres et des compagnons. Tout homme qui est maçon doit prendre bien soin de ces De­voirs. 

Et si un homme se trouvait fautif sur l’un d’eux, il devrait s’amender et prier Dieu pour sa grâce.


Prenez grand soin de respecter ces Devoirs, 

car c’est un grand péril pour un homme de se parjurer sur un Livre :

1. - Le premier Devoir est que vous serez des hommes fidèles à Dieu et à la Sainte Église.

2. - Vous n’userez pas d’hérésie de manière préméditée, ni ne vous précipiterez dans des innovations, mais vous serez des hommes sages et discrets en toutes choses.

3. - Vous ne serez pas déloyaux et ne formerez pas de complots de traitres, mais si vous entendez parler d’une trahison à l’encontre du gouvernement, vous devrez le révéler si vous ne pouvez l’empêcher.

4. - Vous serez justes l’un envers l’autre, c’est à dire envers tout maçon du Métier de la Maçonnerie, qui est un maçon reconnu ; vous agirez envers lui comme vous voudriez qu’il agisse envers vous.

5. - Vous garderez secrets tous les propos tenus par vos compagnons, que ce soit dans la Loge ou en Chambre, ainsi que tout ce qui doit demeurer secret au sein de la Fraternité.

6. - Aucun maçon ne se fera voleur ni ne dissimulera une action aussi injuste, dès qu’il en aura été témoin ou qu’il en aura eu connaissance.

7. - Tout maçon reconnu en droit d’exercer se montrera juste envers le seigneur ou envers le maître qu’il sert, et il le servira fidèlement à son avantage.

8.o-oVous appellerez tout maçon Compagnon ou Frère, sans jamais user envers lui d’un langage calomnieux.

9. - Vous n’aspirerez pas à un rapport coupable avec l’épouse de vos compagnons, ni ne jetterez un regard dévergondé sur leur fille, avec le désir d’en abuser ; ni sur leur servante ni sur aucune femme au point de les déshonorer.

10. - Vous paierez exactement et honnêtement votre nourriture et votre boisson là où vous prenez pension, afin que le Métier ne de puisse être diffamé.

Ce sont les Devoirs généraux des maçons libres qu’il appartient aux maîtres et aux compagnons de connaître. 


Je vais [énoncer] les Devoirs particuliers des maîtres et des compagnons :

1. - Aucun maître ou compagnon ne prendra le travail d’un seigneur ou d’un autre homme à moins qu’il se sache capable de le réaliser, de façon à ce que le Métier ne puisse être diffamé ni déshonoré, mais que le seigneur puisse être bien et justement servi.

2. - Aucun maître ne prendra de travail à moins que ce soit avec raison, de façon à ce que le seigneur puisse être bien servi, et que le maître en retire suffisamment pour vivre honorablement et honnêtement, et verser à ses compagnons une paie honnête, comme il est d’usage.

3. - Aucun maître ni compagnon n’en supplantera un autre dans son travail, c’est à dire que si un autre a pris un travail à son compte, ou exerce la fonction de maître pour l’ouvrage d’un seigneur, il ne traitera pas en sous main au risque de semer la discorde, de le diminuer, ou de l’écarter, à moins qu’il soit dénué d’habileté pour accomplir son travail.

4. - Aucun maître ni compagnon ne prendra un apprenti pour une durée d’apprentissage inférieure à sept ans ; et l’apprenti devra être de bonne naissance, c’est à dire être né libre, pour­vu de tous ses membres, comme tout homme devrait l’être.

5. - Aucun maître ni compagnon ne doit accepter d’indemnité ou de pot de vin d’un homme qui doit être fait maçon sans l’accord, le consentement et l’avis de ses compagnonso; quant à celui qui sera fait maçon, il devra être né libre, de bonne famille, ne pas être en servage, et être intègre de corps, comme tout homme devrait l’être.

6. - Aucun maître ni compagnon ne prendra d’apprenti à moins d’avoir assez de travail à lui donner ; à plus forte raison s’il ne peut en donner à trois de ses compagnons, ou au moins à deux.

7. - Aucun maître ou compagnon ne donnera du travail payé à la tâche à un homme habitué à travailler à la journée.

8. - Tout maître accordera à ses compagnons une paie correspondant à leur mérite, de façon à ne pas être trompé par de faux ouvriers.

9. - Aucun homme ne doit calomnier un autre derrière son dos pour lui faire perdre son bien et sa réputation, au point de le faire souffrir dans sa façon de vivre.

10. - Aucun compagnon, à l’intérieur de la Loge ou à l’extérieur, ne répondra mal à un autre, ni ne lui fera un reproche à voix haute sans quelque cause raisonnable.

11. - Tout maçon respectera son aîné, et lui montrera de la vénération.

12. - Aucun maçon ne sera un habitué des jeux de hasard, que ce soit aux dés ou aux cartes, ni à aucun autre jeu défendu qui puisse nuire au Métier.

13. - Aucun maçon ne se conduira comme un homme immoral, dépravé et licencieux, car le Métier pourrait s’en trouver blâmé3.

14. - Aucun compagnon ne se rendra de nuit en ville, sans avoir un ou deux autres compagnons avec lui pouvant témoigner qu’il est allé en des lieux honnêtes.

15. - Tout maître ou compagnon se trouvant à une distance inférieure à cinquante miles se rendra à l’assemblée s’il en a été averti. Et s’il a commis une transgression envers le Métier, qu’il supporte alors la sanction des maîtres et des compagnons, et qu’il fasse amende honorable s’il en est capable.

Mais s’il ne se soumet pas à une raisonnable sanction, qu’il soit soumis à la Loi commune.

16. - Aucun maître ou compagnon ne fera de gabarit, d’é­querre, ni de règle pour façonner des pierres ; sinon en la forme autorisée par la Fraternité.

17. - Tout maçon recevra et chérira les compagnons étrangers quand ils arriveront dans le pays, et les mettra au travail s’ils le désirent comme c’est l’usage, c’est-à-dire s’il dispose de pierres façonnées ; ou il leur donnera une somme d’argent leur permettant de gagner la Loge la plus proche.

18. - Tout maçon servira loyalement le seigneur pour sa paieo; et tout maître achèvera son ouvrage, qu’il soit à la tâche ou à la journée. S’il a ce qu’il demande, il aura obtenu tout ce qu’il devrait avoir.

Ces Devoirs que nous venons de vous rapporter, ainsi que tous les autres qui appartiennent aux maçons, vous devez les conserver. 

Que Dieu vous vienne en aide, et au Itallidom4.

Finis

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NOTES

1 - Inigo Jones (1573-1652) fut en son temps un architecte renommé. Il introduisit en Angleterre l’architecture de la Renaissance italienne ; on lui doit la Queen’s House, édifiée à Greenwich, sur les bords de la Tamise.

2 - L’auteur du texte a commis une erreur : il ne peut s’agir que des «oSidoniens », habitants de Tyr.

3 - Cet article ne se trouve, curieusement, dans aucun manuscrit plus ancien ; sa traduction est plus difficile qu’il n’y paraît, car contenant plusieurs mots disparus des dictionnaires modernes : No mason should be a common leecher, nor pander, or baud whereby the craft might be slandered.

4 - Altération possible d’un mot saxon, halidom, signifiant : jugement dernier

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